Accueil

11 au 14 octobre 2022

De nombreuses initiatives d’intervention musicales naissent dans les milieux communautaires, carcéral, de la santé, de l’intervention sociale, de l’éducation. Par ailleurs les institutions artistiques et culturelles prennent davantage acte, d’une part des problèmes d’accessibilité physique et symbolique aux pratiques artistiques et insistent, d’autre part, sur les bénéfices des pratiques musicales en termes de justice sociale, d’inclusion, de citoyenneté, etc. (Beauchemin, Maignien, et Dugay 2020). Dans la francophonie et dans certains pays hispanophones l’intitulé « médiation » (mediación) de la musique tend à rassembler ces actions qui vont de la « musicologie publique » ou « appliquée » aux actions musicales dans la communauté en passant par l’éducation artistique et culturelle (Kirchberg 2020). La pluralité des termes qui servent en allemand (Musik vermittlung Kulturelle Bildung Musikpädagogik) ou en anglais (music outreach, music engagement, civic practices, public musicology, music in social work, music education) pour traduire la formule « médiation de la musique » ne cesse de rappeler la multiplicité des enjeux de ces pratiques musicales et sociales à la croisée de la démocratisation et de la démocratie culturelle.

Loin des objectifs fédérateurs que ces pratiques ambitionnent, la pluralité des appellations autour desquelles s’agrègent les groupes de recherche et les réseaux professionnels (ITAC, RESEO, SIMM, EPMM, FNAMI, Artist as changemaker) risque à terme de favoriser une pensée en silo qui fige les domaines de pratique et les disciplines de recherche. La dispersion de ces forces accentue des lignes de fractures que la pratique sur le terrain tend pourtant à dépasser (artistes enseignants vs médiateurs, chercheurs vs praticiens, éducation vs action sociale, vulgarisation vs participation). Les questions de vulgarisation, de sensibilisation, d’expérimentation, de transmission, d’accessibilité, d’inclusion sociale, de mieux-être, de santé, d’équité, d’encapacitation et/ou de droits culturels qui sont au cœur de ces pratiques musicales appellent pourtant le croisement des ressources pratiques et théoriques pour être pensées. L’objectif de ce colloque international est de porter un regard panoptique sur les médiations musicales, de leurs étapes de conception à leur évaluation en passant par leurs mises en œuvre.

Ces rencontres internationales ont l’ambition de proposer un aperçu transnational de l’état actuel de la recherche sur les médiations musicales et de partager les différentes visions sur ces pratiques.

En plus de sa portée théorique visant à systématiser les observations, ces rencontres multiplieront les occasions de réseautage entre les praticien.nes et de maillage entre les milieux de pratique et le milieu de la recherche. Il s’agira tout autant de valoriser les savoirs professionnels des acteur.ices de la chaîne des métiers  de la médiation (Pébrier, Courant, 2019; Bretel, et Mercier 2018) que de rendre visible les résultats des recherches les plus récentes dans le domaine (Kirchberg 2021).

Thématiques

Les conférences scientifiques, les sessions de poster, les ateliers, les partages d’expérience ou les communautés de pratique pourront porter sur les thématiques suivantes :

1.     Frontières et porosité de la terminologie

Avec le développement du domaine, il devient nécessaire de produire une réflexion sur les nuances du vocabulaire employé dans le champ musical pour qualifier ces différents registres d’activités allant de l’intervention par l’art (Loser 2017; Lebon 2013a; Sociographe 2018/3) à l’accompagnement de son interprétation en passant par la création de nouvelles formes artistiques. Quels sont les enjeux de chacune de ces pratiques ? Quelles postures induisent-elles de la part de celles et ceux qui les mettent en œuvre individuellement et collectivement (Lebon 2013) ? Quelles compétences spécifiques chacun.e d’entre elles et eux mobilisent-ils et elles dans l’exercice de leurs activités . Quels rapports aux savoirs musicaux et musicologiques présument-elles ? Quels éléments discursifs accompagnent ces activités, qu’il s’agisse d’en qualifier les usages (publics, habitant.es, citoyen.nes, clientèle, participant.es, bénéficiaires, personnes) que d’en décrire les modalités de mise en œuvre (collaboration, co-création, participation, interprétation, contribution, etc.) ?

2.      Conditions historiques d’émergence de la médiation de la musique

Ces rencontres internationales invitent à analyser l’histoire les arguments individuels et collectifs qui sous-tendent le développement, le financement ou la promotion de telles activités et servent souvent de cadre au déploiement de discours de légitimation (Bowman et al. 2016). Quelles logiques ont motivé le passage des concerts-commentés promus par les premiers musicographes (Campos 2013), aux notes de programme en salle puis virtuelles (Bernard 2019), à la mise en œuvre d’ateliers pré-concert, de concerts participatifs, d’orchestres à l’école (Delebarre et Laborde 2019; Lauret 2019) aux de projets de co-création musicale, ou de participation citoyenne ? Si la réflexion sur les conditions d’émergence des discours à la croisée de la démocratisation, de la démocratie et droits culturels est bien amorcée dans le champs culturel (Mörsch 2017; Bordeaux 2008; Lafortune 2012) un travail de nature historique reste encore à produire sur l’émergence des pratiques de vulgarisation ou de transformation sociale par la musique, pour exhumer et documenter les actions mises en œuvres de longue date par des artistes ou des collectifs engagés ou des ensembles. Si les travaux sur la médiation culturelle ont bien montré ce que le développement de telles pratiques doit aux politiques culturelles nationales et transnationales (Bordeaux 2008; Lafortune 2013; 2018) qu’en est-il en musique? Comment ces actions s’insèrent-elles dans les programmes de l’éducation populaire de (Lebon 2020), des droits culturels ou l’agenda 21 pour la culture (Meyer-Bisch 2018) ?

3.     Analyser les dispositifs

Bien des discours évoquent trop facilement les répertoires musicaux sur le registre du choc esthétique ou de son pouvoir transformationnel. Il s’agit pourtant de s’interroger concrètement sur les conditions dans lesquelles la musique est donnée à entendre, à discuter ou à pratiquer dans ces actions de médiation. De façon très pragmatique, quelles « prises » musicales (Bessy et Chateauraynaud 1995; Hennion et al. 2000) ou quels schèmes de perception sont mobilisés pour partager une écoute, confronter des pratiques et favoriser les échanges critiques ? Métaphores, humour, sarcasme, hyperbole quels sont les ressorts rhétoriques dont usent les médiateur.ices pour dire la musique ? Quels sont les registres de discours (récit, intrigue, exposés, etc.) mobilisées dans ces dispositifs et avec quels effets ?

Au terme de quels processus, de quelles collaborations ou partenariats les répertoires musicaux peuvent-ils devenir des leviers d’intégration sociale, de dialogue interculturel ? Lorsqu’il s’agit de démystifier les musiques, comment les relations entre connaissance, sensation, émotion, participation, critique s’articulent-elles aux variations de supports écrits, oraux, visuels, audio, numériques, instrumentaux ? Quand on mise sur les musiques pour soutenir le traitement des problèmes sociaux (Lafargue, 2008),quels repères historiques, politiques, géographiques, sont-ils mobilisés ? Vers quels savoirs, savoir-faire ou savoir-être musicaux et/ou sociaux tendent ces dispositifs et de quelles façons les participant.es les transposent-ils.elles effectivement au-delà du cadre de ces activités ? Quels sont les présupposés dans l’adresse (Wahnich, 2014) ?

4.     Les effets de ces activités et les enjeux de leur évaluation

Alors que les organismes subventionneurs, les mécènes, les partenaires sollicitent des rapports d’activités, de nombreux guides ont été produits ces dernières années pour accompagner l’évaluation de ces activités (Guetzkow 2002; Pronovost et Harrison-Boisvert 2015) et appellent à une meilleure intégration des pratiques d’évaluation. Ces rencontres devraient permettre de présenter des résultats d’évaluation de ces activités conçues comme des interfaces entres œuvres et publics et/ou qui favorisent la diversité des formes d’expression et de participation à la vie culturelle. De nombreux travaux ont démontré l’impact des arts et de la culture sur la santé mentale, le développement des droits, etc. qu’en est-il spécifiquement des activités menées dans les mondes musicaux ? Quels sont les effets des dispositifs de médiation de la musique sur l’accessibilité, le bien-être, la santé mentale, l’inclusion sociale, l’exercice de la citoyenneté, etc. ? Ce colloque devrait également offrir l’occasion de réfléchir aux enjeux méthodologiques de l’évaluation de telles activités qui se distinguent souvent par leur caractère fluctuant et imprévisible, dont le déroulé est rarement linéaire. Comment mettre en place une évaluation « continue, participative et récursive » (Pébrier 2020) ? Les méthodes de la « recherche action » (Lassus, Le Piouff, et Sbbatella 2015), de la « recherche-création » ou des « recherche-participatives » peuvent-elles soutenir le projet de la médiation en redonnant leur place aux participant.es (artistes, citoyens, coordinateurs, etc.) dans son évaluation et en pluralisant les regards sur ses effets ? En tant que chercheur.e quelle posture de neutralité ou de subjectivité adopter ?

5.     Les formations à la médiation de la musique et l’exercice du métier

Alors que les formations à la médiation culturelle se développent ou prennent de l’ampleur dans les institutions d’enseignement de la musique, que savons-nous du contenu de ces formations (prérequis, curriculum, débouchés) et des trajectoires de leurs diplômé.es ? Interprètes, musicologues, compositeur.ices, médiateur.ices, artiste enseignant, musicien.nes intervenants.es, artivistes : qui sont celles et ceux qui sont amené.es à réaliser des activités de médiation de la musique ? Peut-on identifier des « profils de médiateur.ices » distincts au sein de la chaine des métiers qui rendent possible la vulgarisation et l’intervention musicale (Aubouin, Kletz, et Lenay 2010; Montoya 2008). A la faveur de quelles socialisations se sont-ils.elles engagé.es dans ces activités ou ont-ils.elles adhéré à la croyance dans la « victoire finale de la cause » (Prévost-Thomas, Vessely, 2016, Montoya, 2017) ? Quelle part prennent ces activités dans l’exercice de leur vie professionnelle ? Souvent inscrits dans des régimes de pluriactivités (Perrenoud et Bataille 2018) comment ces acteur.ices lient-ils.elles ces différentes dimensions de leurs vie de musicien.nes ? Témoignent-elles de la tendance à l’auto entreprenarialisation du métier et du régime de « démultiplication de soi » des carrières artistiques actuelles (Menger 2002) ? En somme que nous dit l’émergence de ces fonctions de médiateur.ices de la musique sur les évolutions du métier de musicien.ne ?

6.      Regard critique sur l’efficacité des actions

Ces dispositifs rendent-ils effectivement « accessibles au plus grand nombre, sur les plans géographique, social et économique, les œuvres » (Caillet, 1995) ? Ayant en tête les reproches faits aux premières tentatives de vulgarisation musicologique dont certains détracteurs regrettaient dès 1941 le « prosélytisme irréfléchi et pseudo-technique » (Thomson dans Bennett p. 100) ce colloque invite à développer une réflexion critique sur les activités de médiation de la musique et à s’inscrire dans le sillage des réflexions constructives déjà amorcé.es dans le domaine plus vaste de la médiation culturelle (Casemajor et al. 2017). Certains s’inquiètent de l’institutionnalisation progressive de pratiques initialement issues de l’art communautaire (Ardenne 2009; Chagnon et Neumarrk 2011), de l’éducation populaire (Lepage 2009) ou de l’animation (Bordeau dans Casemajor et al. 2017). Comment concilier l’éthique associée à ces pratiques (Caune 1999; Médiation culturelle association 2010) et les logiques de commercialisation, de billetterie ou de développement de public qui les accompagne parfois ? Pour reprendre la formulation de Jean-Marie Lafortune, ces activités musicales peuvent-elles exister « sous le joug du néolibéralisme » (Lafortune dans Paquin et al. 2019) ?

Les modalités d’enseignement informelles souvent privilégiées par la médiation ne reproduisent-elles pas des fractures qu’elles cherchent à amoindrir (Mörsch 2017; Bois 2013; Oualhaci, Hammou, et Zotian 2020) ? Ces activités permettent-elles réellement de provoquer une distance à la norme ou sont-elles le lieu de reproductions larvées de registres d’écoutes ou de pratiques (Eloy 2015) ou de stéréotypes de genre (Chagnard dans Octobre et Patureau 2018; Kirchberg accepté, à paraître), raciaux etc. ? Poursuivant la réflexion amorcée par Jesu et Nazareth on pourra également s’interroger sur l’économie du capital symbolique qui se joue dans ces activités musicales (Jesu et Nazareth 2016) ? En somme, selon quelles modalités des pratiques supposément « illégitimes » se retrouvent-elles mobilisées pour valoriser les participant.es ? Comment se convertissent-elles dans l’espace des pratiques musicales engagées en disciplines vectrices de reconnaissance collective et individuelle ?

Type de propositions

Praticien.nes et chercheur.es sont invité.es à présenter leurs initiatives ou leurs résultats de recherche, à animer des réflexions ou des débats de fond qui permettent de bâtir une vision commune de l’avenir de la recherche et de la pratique des médiations culturelles usant de la musique et d’en mesurer les retombées.  Ainsi plusieurs formats de présentation sont possibles.

Les langues des rencontres internationales sont le français et l’anglais (la langue utilisée pour la rédaction de la proposition doit être la langue de présentation).

·       Communications (20 min de présentation + 10 min. questions)

Présentation des résultats de recherche en musicologie, sociologie, anthropologie, éducation, psychologie, sciences politiques, etc. sur l’une des thématiques proposées.

Les communications feront l’objet d’une publication, soit dans un numéro de revue, soit dans un collectif.

·       Affiches/posters

Présentation des résultats de recherche en musicologie, sociologie, anthropologie, éducation, psychologie, sciences politiques, etc. sur l’une des thématiques proposées.

Les posters (format A0) seront affichés durant le colloque et leur version numérique sera valorisée sur le site du colloque.

·       Ateliers (45 min d’animation + 15 min. de discussions menées par l’animateur.ice de l’atelier)

Animation d’une activité de médiation qui permette d’expérimenter collectivement une approche, un dispositif de médiation de la musique (atelier de co-création, atelier d’écriture créative, etc.) et d’en objectiver les retombées par un retour réflexif collectif.

Les ateliers seront captés et valorisés sur le site du colloque.

Calendrier

La date limite de dépôt des propositions est fixée au 21 décembre 2021.

Les propositions seront évaluées de manière anonyme par un jury d’experts internationaux constitué de praticien.nes et de chercheur.es (voir comité scientifique).

Les résultats de la sélection seront annoncés au plus tard le 28 février 2022.

Coûts

Le colloque est gratuit et les pauses-café seront offertes aux intervenant.es; une participation aux déjeuners et aux cocktails de réseautage sera demandée. Merci de bien vouloir noter que les frais de transport et d’hébergement ne seront pas pris en charge par les organisateur.ices.

Des bourses d’aide au déplacement (hors Montréal) seront offertes pour les deux meilleures candidatures étudiantes et pour les deux meilleures propositions d’atelier.

Pour vous inscrire au colloque cliquez ici.

Comité d’organisation

  • Vincent Bouchard Valentine (EPMM / UQAM)
  • Michel Duchesneau (EPMM – UdeM)
  • Irina Kirchberg (EPMM – UdeM)
  • Sylvain Martet (EPMM – ARTENSO)
  • Mélanie Moura (EPMM – Orchestre Symphonique de Montréal)
  • Eva Quintas (EPMM – ARTENSO)
  • Pierre Vachon (EPMM – Opéra de Montréal)

Comité scientifique 

  • Bouchard Valentine Vincent (UQAM)
  • Bouscant Liouba (CNSMDP)
  • Duchesneau Michel (UdeM)
  • Fortant Elsa (MeMuQ)
  • Güsewell Angelika (HEMU Lausanne)
  • Gregory Sean (Barbican & Guildhall School)
  • Horvais Jean (UQAM)
  • Kirchberg Irina (UdeM)
  • Martet Sylvain (ARTENSO)
  • Moura Mélanie (Orchestre Symphonique de Montréal)
  • Prévost Thomas Cécile (Sorbonne Nouvelle)
  • Ravet Hyacinthe (IReMus – Sorbonne Université)
  • Rudent Catherine (Sorbonne Nouvelle)
  • Robin William (University of Maryland)
  • Vachon Pierre (Opéra de Montréal)
  • Weber Thierry (HEMU Lausanne)

Coordination

Émilie Lesage, Coordonnatrice des rencontres internationales et de l’EPMM.

Caroline Marcoux-Gendron, Coordinatrice scientifique et générale de l’OICRM.

Marilou Bonfils-Nadeau, assistante-coordinatrice de l’OICRM.

Mathilde Veilleux, assistante-coordinatrice de l’OICRM.

Pour nous joindre

Lesmediationsdelamusique2022@gmail.com